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Communiqué de départ des occupant·e·s de La Criée

Après trois mois d’occupation – une période riche et épuisante – dont un mois de blocage de la production, les occupant·e·s ont quitté début juin le théâtre mais la lutte continue…

Après trois mois d’occupation, nous larguons les amarres.
Il est venu pour nous le temps de poursuivre notre lutte hors les murs de la Criée.

Mercredi 9 juin dernier, nous avons quitté la place, après un ultime chantage de la part du directeur technique, arguant que si le théâtre ne rouvrait pas, les intermittent.e.s habitué.e.s à y travailler perdraient leur chômage. Celui-ci n’est pourtant pas sans savoir que le théâtre est tenu de payer ces dernier.e.s, empêché.e.s de travailler contre leur gré.
Car, depuis le 19 mai dernier, date de la réouverture nationale des lieux culturels, et suite à la prise du grand plateau le 1er mai, nous bloquions la programmation du théâtre de la Criée pour faire entendre l’urgence et la gravité de la futur réforme de l’assurance chômage. Ce n’était pas de gaieté de coeur, mais c’était le seul levier à notre disposition pour faire pression sur le gouvernement sans être suspendu au conseil d’État ou autres recours juridiques incertains.
Comme nous l’avions prévu, ce blocage nous a permis d’obtenir une visibilité médiatique jusqu’ici dérobée quant à nos revendications, et pour la première fois des articles de presse plus précis et consciencieux ont été écrits dans des journaux à grand tirage et jouissant d’une audience large.
Dès lors, la DRAC, la Mairie et la Direction du théâtre ont souhaité entamer des négociations avec nous pour « trouver des solutions » et surtout rouvrir au plus vite le théâtre. Il est important de préciser que l’Adjoint à la Culture de la Mairie nous a apporté son soutien dès les premières semaines d’occupation. A cette réunion, la représentante de la DRAC est venue pour nous présenter un plan de relance macronien pour « la jeunesse et la culture » dont la résultante ne fait qu’entretenir la précarité de celleux-ci et la concurrence qu’iels connaissent sur le marché du travail : une insultante proposition « un jeune, un emploi » et un dérisoire plan de relance courant de juin à octobre. Ce dernier, qui s’intitule « relançons l’été », opère encore une fois une sélection des compagnies dans le besoin par le dispositif ingrat d’un dossier à remplir, et délivre une subvention maximum de 15000 euros. Nous redisons qu’après deux années d’arrêt et plus de vingt années d’économies effectuées dans le secteur subventionné du spectacle vivant, c’est un plan de relance sur 5 ans minimum et se comptant en milliards dont nous avons besoin.

Dans un second temps nous avons émis la possibilité de lever l’occupation sous deux conditions :

  • Le relogement immédiat et digne des personnes sans toits qui occupent la Criée
  • L’obtention d’un lieu pérenne pour continuer nos activités d’éducation populaire et notre lutte.

A la première demande, la Mairie a répondu que le relogement était du ressort de l’Etat et a refusé de réquisitionner un bâtiment lui appartenant. Elle s’en est retournée vers le pouvoir de la Préfecture qui a, comme a son habitude, pratiqué la politique de l’autruche et n’a donné aucune nouvelle jusqu’à ce jour.
Les dernières semaines de l’occupation, les personnes sans toit, qui pour une grande part se trouvent être en exil en France, étaient majoritaires. Elles habitaient la Criée Occupée comme alternative à la rue, et occupaient ce théâtre dans une lutte pour leur dignité, tout aussi légitime que toutes les revendications portées depuis le premier jour de l’occupation. Que ce soit par l’équipe du théâtre, les représentant.e.s de la mairie ou celleux de l’État, une distinction a été faite entre les personnes en quête de toit, sorte d’occupant.e.s sans nom, et les autres occupant.e.s dit.e.s « de la première heure » qui avaient magiquement acquis une légitimité toute propre. Si nous reconnaissons que la pluralité des vécus, radicalement différents, a pu donner lieu a des situations répétées de conflit très tendu qui ont fini par rendre les derniers jours d’occupation durs à vivre, nous constatons surtout l’absence de structures de soin nécessaires dans Marseille, et l’absence de volonté des pouvoirs publics de répondre aux exigences de solutions dignes émises par les personnes concernées, attendant des occupant.e.s « propres » qu’iels fassent le sale boulot et mettent des personnes sans logement à la rue, comme le fait habituellement la police républicaine.
A la seconde demande, la Mairie a témoigné son attention, mais à ce jour aucune proposition concrète ne nous a été faite.
Si nous reconnaissons donc le soutien que nous a apporté pendant le temps de l’occupation Monsieur Coppola, adjoint à la Culture de la Mairie de Marseille, nous ne pouvons laisser dire que des propositions concrètes nous ont été données pour sortir « par le haut » de cette occupation. Nous avons été laissé dans l’expectative, dans un « peut-être » clairement insatisfaisant après trois mois d’une occupation qui nous a pris tout notre temps et notre énergie et nous a demandé beaucoup de patience.Au vu de la situation générale du pays, et des réponses répressives, hypocrites, dangereuses et fascisantes qu’ont choisi d’employer l’État et ses représentant.e.s, il nous est impossible d’accorder une confiance aveugle aux pouvoir publics, aussi bien intentionnés se présentent-ils à nous.
Nous avons donc pris acte de leur incompétence, de leur absence de volonté politique, ou d’une volonté politique adversaire à nos convictions – au choix, selon nos interlocuteurices – et avons trouvé des solutions par nous-mêmes.
Nous nous retrouverons dans des lieux amis – et il y en a une multitude – pour continuer nos réflexions et préparer nos actions.
Un lieu a été ouvert qui fait office d’habitation pour les personnes de la Criée Occupée qui étaient jusqu’ici sans toit. D’autres personnes dans le besoin d’un logement les ont depuis rejoint, dont de nombreuses personnes dites « mineurs non accompagnés ». Ce lieu est l’ancien Pôle Insertion, symbole de la précarité organisée institutionnellement, dont le bâtiment appartient au Département des Bouches du Rhône, qui bafoue quotidiennement la responsabilité qui est la sienne de loger les personnes mineures vivant sur son territoire.

Ainsi, fatigué.e.s de devoir tenir un lieu qui nous est hostile malgré la magie que nous avons su y insuffler, et constatant que le geste de blocage ne s’est pas répandu nationalement comme la poudre que nous espérions voir brûler, nous quittons les lieux pour reprendre des forces et lutter autrement. Et nous en profitons pour dresser un premier bilan, qui en appellera sûrement d’autres tant cette séquence fut riche et joyeuse de questionnements, de pensées, de rencontres et de remises en cause.

Nous avons pris possession d’une partie de ce gros bateau pendant 3 mois et y avons expérimenté une forme d’auto-gestion que nous considérons être une critique en acte du fonctionnement actuel des CDN, Scènes nationales et autres structures publiques labellisées par le Ministère de la Culture.
Nous y avons vécu, dormis, pensé, rêvé, crié, mangé de grands festins communs…
Nous y avons proposés des formes d’art et d’expression éphémères. Nous avons tenté de laisser la porte ouverte à des surprises qui n’adviennent jamais ou que trop rarement dans le cours normal d’une programmation théâtrale. Nous nous sommes réapproprié.e.s notre outil de travail. Nous y avons organisé des ateliers d’éducations populaires, et tenté de créer des ponts et des points de rencontre avec d’autres luttes :

  • Les fameuses et incontournables criées de la Criée
  • Atelier sur la refonte de l’hôpital public, en compagnie de soignant.e.s en lutte
  • Atelier sur l’histoire des politiques culturelles
  • Atelier « Intermittence et Capitalisme »
  • Atelier d’études du Cahier des Charges de CDN
  • Arpentage de la Loi Séparatisme
  • Rencontre avec les responsables des publics du Théâtre de la Criée
  • Atelier Rap et Open mic en tout genre
  • Atelier en mixité choisie (sans hommes cis)
  • Atelier sur les discriminations sexistes en mixité
  • Atelier mené par le Frac sur le statut des plasticien.nes
  • Atelier/rencontre avec la Horde (BNM)
  • Irrigation par la racine et ruissellement : comment
  • Atelier sur la situation Kurde
  • Atelier sur les 76 ans de la fin du fascisme en Italie et la libération par les bandes partisanes de l’emprise de Mussolini
  • Installation du plateau radio de Shabba Radio (Emission spéciale Occupation, Open Mic …)
  • Atelier Ré-appropriation de l’espace public par la lutte féministe en mixité choisie
  • Atelier D’Arpentage de textes
  • Atelier Graf en mixité choisie
  • Cantines Solidaires (AED / Coup de Pouce aux migrants …)
  • Atelier Passeport Vert
  • Lâché de Clown
  • Atelier d’Ecriture sur le thème « Vie d’Artiste »
  • Conférence Gesticulée sur les discriminations sexistes
  • Journée Queer (films, dj set et drag show)
  • Bal traditionnel
  • Projections
  • Rencontre autour de la ZAD de la colline
  • Réunion publique à propos du chantier de la Porte d’Aix

Nous n’avons pas fait de miracles, mais nous avons mis en œuvre ce que nous pouvions avec nos moyens. Et cette occupation nous a donné a voir des possibles réjouissants et lumineux sur ce que pourrait être un Théâtre nourri par une culture populaire et hétéroclite.
Nous avons éprouvé nos propres limites, dues aux fractures structurelles de cette société coloniale, capitaliste et patriarcale.
Le charge symbolique du lieu Théâtre, en tant que temple de la culture bourgeoise, ne nous a pas servis. Trop peu de gens s’y sentent invités et osent franchir la porte d’entrée. Par ailleurs, les artistes écopent politiquement d’une image de nantis. Image a la foi légitime et fausse. Nous voulons continuer le travail pour défaire le mythe et cultiver une auto-critique fertile.
Nous voulons continuer à nourrir une réflexion qui participe à notre mesure à la déconstruction de l’élitisme du milieu culturel, à la décolonisation de l’art et des structures publiques. Qui participe donc à la déconstruction de notre propre élitisme et à la décolonisation de nos propres actes et pensées.
L’occupation aura cependant ouvert ce lieu à quelques personnes qui n’y étaient jamais rentrées avant cette lutte. Des personnes qui ont habité le lieu et en ont pris soin comme jamais.
Nous avons vécu les conflits de classes qui opposent les occupant.es et les directions des théâtres.
Nous ne reviendrons que brièvement sur les déclarations mielleuses et outragés des directeurs et directrices qui depuis leur salaire à 7000 euros ont fait preuve d’un talent mélodramatique hors normes en publiant appel et manifeste à l’allure de crachats emplis de mépris de classe.Si iels avaient vraiment voulu nous soutenir, comme iels le déclaraient dans des articles de presse emprunts d’un humanisme pompeux et tout plein d’une hypocrisie dont seule la gauche caviar est capable, iels auraient refusé avec nous la réouverture des lieux tant que notre liste ambitieuse mais réaliste de revendications n’avait pas été écoutée. Au lieu de cela elles ont cherché à rouvrir à tout prix, dans des conditions absurdes qui vont démultiplier les inégalités déjà immenses structurant le secteur du spectacle vivant. Mais qu’a-t-on à faire des inégalités économiques lorsqu’on est contre-maître de l’État, qu’on a une carrière flamboyante à mener et une partie de chaises musicales à jouer ? On nous a jeté à la figure que nous faisions le jeu du Rassemblement National, que nos pratiques étaient fascistes, que nous servions la soupe aux poujadistes, que nous étions des casseur.euse.s. Nous n’avons manifestement pas la même appréhension des faits historiques. Mais nous savons de quel côté de la barricade nous nous situons, et ces trois mois de lutte en sont la preuve. On nous a également accusé d’« empêcher l’Art », comme si l’idée monumentale que ces directions se font de l’art était la seule valable et que tout ce qui se joue en dehors des lieux dont iels ont la responsabilité n’était que sous-culture ou contre-façon.
Nous parlons évidemment en premier lieu de Mrs/Mmes Dorny, Mayet-Holtz, Braunschweig, Makeïeff et Mouawad. Mais il n’y a pas qu’elleux, et il y aura un bilan à dresser quant aux stratégies employées par des directions moins médiatisées et à l’allure sympathique qui ont su néanmoins manoeuvrer avec tact pour pouvoir rouvrir leurs lieux sans avoir l’air de mettre à la porte une lutte qu’elles ont bien voulu soutenir tant que cette dernière servait leurs intérêts et n’empêchait pas le petit train de l’économie culturelle de reprendre comme avant, mais en pire.

Nous avons constaté que les occupations de théâtres ne sont pas un mouvement de masse. En plus de la charge symbolique que nous avons déjà mentionnée, nous mettons ça sur le compte d’une crise sanitaire et de deux confinements psychiquement éprouvants, ainsi que sur une répression d’État de plus en plus accrue, et qui a déjà marqué dans leur chair nombre de groupes et d’individus ces dernières années.Mais nous restons cependant convaincu.e.s que les mauvais jours finiront.


Plus que jamais, nos regards sont tournés vers le 1er juillet, date d’application de la réforme d’assurance chômage, et vers le conseil d’Etat récemment saisi par le caractère inégalitaire de cette loi.
Nous savons que ce combat est loin d’être fini, et nous avons peut-être quitté la Criée mais nous ne nous arrêterons pas de lutter.

Nous gardons précieusement en mémoire l’Assemblée Générale du 1er mai dans la Grande Salle de la Criée. Un moment chaotique qui nous a donné une grande foi dans nos capacités d’actions.
Le hall, la mezzanine et le grand plateau vont résonner encore longtemps de nos rires et de nos engueulades.


Nous observons une politique d’Etat répressive, fascisante, raciste, cherchant a noyer les personnes les plus précaires afin de protéger des grandes fortunes qui se sont incroyablement enrichies à la faveur de la crise sanitaire. Nous appelons donc dans les prochains mois, dans les prochaines années, à nous retrouver dans la rue, dans les lieux occupés, dans les squats, dans les montagnes, les villes, les plaines et sur les côtes, partout où nous nous donneront, où nous nous donnons déjà la possibilité d’expérimenter d’autres rapports au monde que celui que tente de nous imposer cette société mortifère, partout où nous nous donnons déjà la possibilité de nouer des liens qui lui résistent et tentent de la renverser.

Nous apportons tout notre soutien et toute notre force à toutes les personnes qui continuent d’occuper des lieux : merci pour votre endurance et votre persévérance.


Marchons (pas comme Macron), occupons, crions !


Les occupant.e.s de La Criée, maintenant en vadrouille

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Manifeste de La Criée occupée

À la suite de la manif du 1er Mai à Marseille entre 400 et 500 personnes se sont retrouvées à La Criée pour occuper la grande scène de ce théâtre et faire une gigantesque AG ! Les occupant·e·s en ont profiter pour lire le manifeste que nous reproduisons ci-dessous.

Pour suivre l’actualité des occupations à Marseille :
La CriéeLe Merlan/ZefFrac

« S’emparer d’un espace. Ouvrir des portes verrouillées. Y entrer. Ouvrir les fenêtres. Faire entrer de l’air, des corps, des voix. Ne surtout pas refermer les portes derrière nous. Puis tenter ensemble de définir ce « nous ».

Ou justement pas.

Peut-être que c’est justement ça qui est nécessaire. Qui est humble même. Que ce « nous » soit dense et pluriel. Que pour une fois, on ne soit pas catégorisé-e-s et sectorisé-e-s. Qu’on refuse de ne plus se croiser, de ne plus se retrouver, de ne plus échanger. Qu’en entrant dans cette salle, on se dise qu’on en fait un lieu de lutte. Un lieu des luttes. On a crié, on crie et on va continuer à crier. On veut et on va le faire ensemble. Le faire fort. Tellement plus fort qu’avant. Parce qu’on en a besoin. Parce qu’on est loin d’être essouflé-e-s et loin d’être satisfait-e-s. Ce n’est pas qu’une nécessité, c’est une urgence.

S’approprier cet espace est impératif. Donc, on le prend. Pour tellement de raisons.

Déjà, pour expérimenter. Ce système qu’on nous impose ne nous convient pas. Sur ce point, on est tous-tes d’accord ? Oui ? On espère aussi tous-tes s’entendre sur notre désir d’essayer un fonctionnement différent et qui nous ressemble. Parce qu’on est convaincu-e-s qu’autrement, ça serait sûrement mieux. Mais il faut qu’on éprouve nos idées, qu’on fasse des tentatives, qu’on déconstruise. Sauf que jusqu’ici, on ne nous a jamais laissé de place pour le faire. Même un petit. Alors, cet espace on le prend par nous-même. En plus, il est grand cet espace donc on aura la place de faire toutes les tentatives qui nous animent. Nombreuses sont les réflexions entamées ici, depuis un mois et trois semaines. Dans ces murs ont pu résonner des idées anti-capitalistes, anti- transphobes, anti-sexistes, anti-racistes, anti-militaristes, anti-répressions, anti-validistes, anti- élitistes, anti-surveillance, anti- violence, anti-discriminations, … L’énumération est longue et s’allongera. Elle est ouverte : proposez ! On ne parle pas d’une utopie naïve. On rejette plutôt un héritage dystopique. C’est du concret. Ce sont nos luttes. Ce sont nos endroits de résistances politiques. Elles sont nombreuses et légitimes. Faisons-les se rencontrer et utilisons ces espaces occupés pour les mettre en pratique.

Pour élargir ce qu’on revendique. Cessons de dire qu’on en demande trop. On n’a pas à se justifier de notre soif de contestations. Rejetons l’argument frileux qui dit de se focaliser sur une seule problématique pour s’assurer qu’on obtiendra au moins un contentement. Ça ne nous désaltérera pas. L’abrogation de la réforme de l’assurance chômage est une priorité. Cependant, cette réforme est le témoignage concret de la mise en place d’une violence d’état et d’une politique d’austérité plus large. On bouillonne et c’est tellement normal. Il n’y a plus de tolérance possible. Impossible de les laisser appuyer sur la tête de ceux-celles qui se noient.

Pour se rendre visible. Cessons d’occuper de façon marginale et discrète un hall à la Criée ou une salle multimédia au FRAC PACA. On nous cantonne à des espaces qui ne dérangent pas ou peu.

Comment accepter d’être dans la périphérie d’une économie institutionnelle et culturelle qui continue de tourner ? On ne veut plus être considéré-e-s comme des passant-e-s, comme de la concession temporaire et négociable, comme des visiteur-euse-s. Notre désir de lutte n’est pas éphémère. On ne veut plus être dans ce rapport de force. Inversons-le. On prend puis on discute. On ne discute pas pour espérer prendre. On confisque. On fait du bruit. On tape sur les casseroles. On pousse une gueulante.

Pour lancer un ultimatum. Ce « nous » doit s’élargir. Cette prise d’espace est aussi l’occasion de mettre sur la table une injonction : directeur-rice-s, il est temps de vous positionner. Ne signez pas une tribune dans les journaux appuyant nos revendications pour aller dans le sens de l’opinion publique et pour vous protéger médiatiquement. Ce n’est pas concret. C’est édulcoré et bien pensant. Vous êtes d’accord avec nos revendications ? Dans ce cas là, ne vous les appropriez pas dans le discours : sortez de vos bureaux ! Faites corps.

Pour se réapproprier des outils. Prendre la main sur ce moyen de production. Pour tenter d’en faire autre chose qu’un temple de la culture excluant. On pense qu’ici peuvent résonner plusieurs récits, peuvent se rencontrer plusieurs imaginaires, peuvent s’associer des groupes et des personnes que l’organisation actuelle de la société fait tout pour séparer. Re-démocratiser le théâtre uniquement fréquenté par une vieille élite bourgeoise blanche. On veut ouvrir des espaces d’éducations populaires. Créer un espace de rencontres, de frictions et d’élaborations communes. Se sentir légitimes d’entrer ici. D’y faire des agoras. D’y créer, d’y inventer, d’y débattre. On est fatigué-e-s d’être divisé-e-s. Fatigué-e-s de l’injonction à confondre distanciation physique et distanciation sociale. On va faire de cet espace un outil accessible pour sortir de nos microcosmes. On a absolument besoin de se rencontrer.

Aujourd’hui, maintenant, on prend ce théâtre. Ou plutôt, on le récupère. Parce qu’en soit il est à nous. Et maintenant qu’on est dedans, on peut vous assurer qu’il n’y aura pas de réouverture des lieux de culture sans droits sociaux. On prend. Donc, on décide. »